Rapport mensuel du Bâtonnier de l’ONA sur l’état de la justice (Mai 2009)    
18/05/2009

Au moment où nous constatons des améliorations au niveau des tenues d’audiences et l’organisation des conditions de travail au palais de justice force cependant est de déplorer beaucoup de reculs dans des domaines divers et substantiels.




1/ Conditions inhumaines dans les prisons
La situation dans les prisons laisse à désirer. La mort du frère de Ould Sidina était due vraisemblablement à une honteuse et inhumaine négligence. Les circonstances de cette mort en disent long sur le non respect de la personne humaine dans nos prisons.
La torture est par ailleurs, de sources concordantes, une pratique courante dans les prisons..
2/ Séquestrations Arbitraires
Le maintien en détention arbitraire de personnes libérées par une décision de justice jette un grand discrédit sur la justice. Le parquet, chargé paradoxalement de veiller à l’application de la loi, en est le plus souvent l’auteur.
Les exemples se multiplient de jour en jour, les derniers en date sont l’affaire de Monsieur Moustapha Ould Mohamd Ahmed dossier 035/2009, libéré le 20/04/2009 par décision de la cour suprême, maintenu arbitrairement et sans titre en prison par le parquet jusqu’à la date d’aujourd’hui
C’était le cas également dans l’affaire du docteur yahya Ould Mohamedou Nagi qui, condamné à une peine avec sursis par la chambre correctionnelle du tribunal de la wilaya a été maintenu en prison arbitrairement du 04 au 23 mars 2009.
La cour criminelle de Rosso, audience du 06/05/2009, a acquitté Messieurs Mohamed Abdellahi Ould Mohamed Abderrahmane et Ahmed ould Lagdaf, personnes qui devaient logiquement recouvrer leur liberté immédiatement selon les articles 325, 326, 431 et 649 du code de procédure pénale, mais le parquet en a décidé autrement et jusqu’à ce jour ces personnes sont séquestrées arbitrairement dans la prison de Rosso.
La chambre pénale de la cour d’appel de Nouakchott a condamné, avec sursis, Monsieur Sidi Mohamed Ould Ahmed Salem (dossier 507/2008) qui devait selon la loi recouvrer immédiatement sa liberté, il est encore à ce jour en prison
La conclusion logique qui se dégage d’elle-même est que la justice de la Mauritanie n’a aucune crédibilité et ne bénéficie d’aucune confiance, à partir du moment où ses décisions sont ignorées de la sorte.
Dans ces différents cas, qui ne sont que des exemples entre autres, il s’agit de ce qu’on peut appeler l’arbitraire, inconcevable dans un Etat qui se respecte.

En effet, « les principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention et d’emprisonnement » adoptés par l’Assemblée Générale des Nations Unies en décembre 1988, qualifient de détention arbitraire tous les cas de privation de liberté qu’il n’est manifestement pas possible de rattacher à une quelconque base légale.
Bien évidemment ces faits s’inscrivent en contradiction flagrante avec les instruments internationaux ratifiés par la Mauritanie (article 9 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et l’article 9 paragraphe 1 du pacte international relatif aux droits civils et politiques).
3/ Violations flagrantes des Règles de Procédures
Le Premier Ministre yahya Ould Ahmd El Waghef ne doit pas répondre des reproches ayant trait à ses activités en tant que premier ministre devant les juridictions ordinaires de l’ordre judiciaire, les dispositions de la constitution sont sur ce point, claires.
Lorsque les règles de procédures et les dispositions expresses sont à ce point violées il est permis de douter du sérieux des actions judiciaires engagées.
4/ Instrumentalisation de la Justice
Le cas de Ould Khattri, ex directeur National des CAPEC, est à son tour flagrant, il a en effet été arrêté avant que la procédure d’enquête ne soit lancée et bien entendu clôturée par la BCM, depuis il n’a jamais été entendu par un juge.
De telles procédures n’ont bien évidemment aucune crédibilité.
Le dossier communément appelé dossier d’Air Mauritanie traîne alors que le premier droit d’une personne arrêtée est celui que sa cause soit entendue le plus tôt possible par un juge impartial
Le dossier traîne si bien qu’il est permis de considérer qu’il s’agit de personnes séquestrées en attendant l’ordre politique de les libérer, tout porte à le croire, dans ce cas, la justice serait alors un instrument entre les mains du pouvoir pour museler les opposants politiques.
. 5/ Détentions provisoires prolongées
Le nombre de personnes aujourd’hui en détention provisoire est exagéré, ceci est d’autant plus inquiétant qu’il s’agit, en principe, de mesure exceptionnelle, cette situation est rendue encore plus grave par le fait que notre pays est encore parmi les très rares pays du monde où il n’existe pas de système quelconque d’aide judiciaire permettant aux personnes démunies d’accéder à la justice.
6/ Répression des manifestations
La répression violente des manifestations est une autre violation des droits humains, non moins grave. Les droits d’expression et de manifestation sont consacrés par la constitution ou du moins ce qui en reste. .
Il est tout à fait normal que de telles manières inquiètent les juristes, les avocats et particulièrement le barreau dont il s’agit là de l’une des missions essentielles.

 

Comment puis-je rester sourd face à ces différents cris alors que je viens de signer au nom du Barreau de Mauritanie la convention des avocats du monde qui considère le respect des droits de tout humain source et finalité du droit, qui invite tous les barreaux du monde à prendre leurs responsabilités et coopérer ensemble à la consolidation de l’état de droit dans leur rôle de sentinelles des libertés afin de faire prévaloir l’ordre du droit sur le désordre des forces.


Nouakchott le 12 mai 2009
Maître Ahmed Salem Bouhoubeyni
Bâtonnier de l’Ordre National des Avocats


Source : Taqadoumy.com


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